Centre de stockage des déchets radioactifs : quels risques pour les riverains ?

La construction puis l’exploitation d’un grand site industriel comme Cigéo ont-elles un impact sur la santé et le bien-être des populations alentour ? C’est la question inédite à laquelle va s’efforcer de répondre l’observatoire Osarib.

Émilie Gardeur et Lucile Girard, de l’Observatoire régional de la santé Grand-Est, présentent le projet Osarib auquel participe l’IRSN. Cet observatoire évalue et suivra l’état sanitaire global des riverains du site de stockage Cigéo. - © PhotoPQR/L’Est Républicain/MAXPPP

Cigéo aura-t-il un impact sur la santé des riverains ? Pour répondre, encore faut-il connaître précisément leur état de santé avant que le site soit construit. C’est l’objectif de l’observatoire Osarib1, qui réalise une photographie de l’état sanitaire des 60 000 habitants environ situés dans un rayon de 25 kilomètres autour de Bure, dans la Meuse (complétée par une zone élargie à un rayon de 50 kilomètres). Cet état sera comparé à une zone témoin ayant des caractéristiques sociodémographiques similaires. « La santé est considérée au sens large. Elle n’inclut pas seulement les cancers, qui peuvent être radio-induits, mais aussi les maladies cardiovasculaires, neurologiques, psychologiques, comme l’anxiété, etc. », explique Enora Cléro, épidémiologiste à l’IRSN, qui participe au comité de pilotage.

Une tâche complexe

L’idée d’une telle photographie est ancienne. « Elle est évoquée dès 1999 », se souvient Benoît Jaquet, secrétaire général du Comité local d’information et de suivi (Clis) du laboratoire souterrain de Bure. Un groupe de travail émerge en 2004 entre l’Andra, l’Institut de veille sanitaire (InVs, devenu Santé publique France) et le Clis. Mais le soufflé retombe face aux délais de Cigéo. Un colloque organisé par le Clis en 2016, réunissant Santé publique France, l’Andra, l’Agence régionale de santé (ARS) Grand-Est et l’IRSN, redonne l’impulsion décisive. La préfecture de la Meuse et l’Observatoire régional de santé (ORS) Grand-Est rejoignent alors le projet, qui comporte quatre volets : une analyse du contexte local et des perceptions des différents acteurs locaux, élus, professionnels, associations, concernés par l’environnement et la santé ; une enquête de santé perçue, réalisée sur un échantillon aléatoire ; un bilan de santé objectivé, utilisant notamment les données du Système national des données de santé (SNDS) ; le tout complété par un portrait social, économique et démographique du territoire. Le projet démarre fin 2022, pour fournir un état de référence sanitaire avant que démarre le chantier du site de stockage. Une première restitution des résultats est attendue pour 2025.

Nouvelles populations

Et ensuite ? De nouvelles photographies seront réalisées, qui tiendront compte des évolutions démographiques et sociales : le chantier va faire venir des nouvelles populations, des médecins viendront s’installer, des infrastructures seront construites… autant de facteurs qui peuvent avoir un impact sur la santé. « L’arrivée de nouvelles populations dans une zone rurale peut faire par exemple émerger des risques infectieux », anticipe l’épidémiologiste Dominique Laurier, adjoint à la direction de la santé de l’IRSN. Lequel précise les enjeux d’une telle surveillance : « Cet observatoire n’est pas mis en place pour détecter des risques spécifiques à Cigéo ou aux déchets nucléaires, mais pour fournir des éléments les plus complets et objectifs possible sur l’état de santé de la population locale et sur son évolution au cours du temps. »
Pour l’ARS Grand-Est et Santé publique France, c’est aussi l’occasion d’affiner leur connaissance de l’état de santé global de la région. « Osarib est intégré dans Esspol2, qui réalise des photographies similaires dans la région Grand-Est, autour d’autres sites que Cigéo, avec d’autres expositions, qui permettront d’identifier des similitudes ou des divergences entre les populations d’une même région », précise Enora Cléro.

1. Observatoire de la santé des riverains du projet de centre de stockage de Bure.
2. Étude sur l’état de santé et la santé perçue des populations riveraines de sites et sols potentiellement pollués en Grand-Est.

En chiffres

  • 340 000

    nombre total d’habitants compris dans la zone élargie de 50 km autour de Cigéo, dont l’état sanitaire sera observé par Osarib.

Pour en savoir plus

Présentation du projet Osarib par Santé publique France : https://www.santepubliquefrance.fr/regions/grand-est/articles/osarib-ob…

 



Article publié en juillet 2024