DOSSIER – Quelle réponse sanitaire et médicale à un accident nucléaire ou radiologique ?

Même si la France n’a jamais connu d’accident nucléaire ou radiologique de grande ampleur, l’IRSN se prépare, le cas échéant, à y faire face. Notamment pour accompagner le tri et la prise en charge médicale des victimes. Il peut compter, pour cela, sur son centre technique de crise, sur ses outils de reconstruction des expositions radiologiques, sur ses moyens mobiles et fixes de mesures dosimétriques, mais aussi sur son expérience unique d’appui au traitement des victimes contaminées ou irradiées.

L’IRSN se prépare, par des exercices réguliers, à soutenir la réponse des autorités si un accident nucléaire ou radiologique majeur survenait en France. Il apporte ses moyens fixes et mobiles et son expérience dans la prise en charge des victimes. - © Guillaume Murat/Signatures/Médiathèque IRSN

La France n’a jamais connu d’accident nucléaire ou radiologique majeur. Le travail constant de l’IRSN, en matière de sûreté et de sécurité, y a contribué. Il convient toutefois de se préparer à gérer les situations les plus improbables. Les accidents survenus sur les réacteurs de Three Mile Island, aux États-Unis, en 1979, de Tchernobyl, en Ukraine, en 1986, et de Fukushima Daiichi, au Japon, en 2011, rappellent qu’un accident majeur est toujours possible. La stratégie de protection de la population en cas de menace ou de rejet radioactif, lors d’un accident nucléaire, vise à limiter l’exposition de la population à un niveau aussi faible que possible. Dans sa phase d’urgence, elle repose actuellement sur trois mesures : l’évacuation, la mise à l’abri et la prise unique d’iode stable.
Dans ces situations, des populations pourraient être exposées à la dispersion dans l’environnement d’éléments radioactifs susceptibles d’être inhalés ou ingérés. On parle alors de contamination interne. Dans d’autres scénarios, des victimes pourraient être irradiées accidentellement par une source utilisée dans l’industrie, en médecine nucléaire, dans certains laboratoires de recherche, voire déposée de façon malveillante. Il s’agit alors d’irradiation externe. Dans tous les cas, en même temps qu’elles activeraient les structures hospitalières référentes publiques ou des armées pour organiser la réponse médicale et sanitaire, les autorités demanderaient à l’Institut d’apporter son expertise. Celui-ci dispose d’outils de simulation des expositions, de nombreux moyens de dosimétrie mobilisables sur site ou mis en œuvre en laboratoire, mais aussi d’une expérience unique dans le conseil à la prise en charge médicale et sanitaire des victimes contaminées. Il se prépare au changement d’échelle qu’imposerait une intervention d’ampleur dans le cadre d’événements sanitaires exceptionnels. C’est ce qu’il fait, en mettant son expertise au service de l’élaboration de guides nationaux de réponse à grande échelle, comme les plans Orsec¹ et Orsan², ou le guide national d’intervention médicale en situation d’urgence nucléaire ou radiologique. En menant, aussi, un indispensable travail de recherche et développement pour concevoir de nouveaux outils et traitements à même de répondre à des contaminations ou à des irradiations sur un grand nombre de victimes. Dans tous les cas, il s’agit d’être en mesure d’apporter une réponse médicale et sanitaire adaptée.

 

1. Organisation de la réponse de sécurité civile
2. Organisation de la réponse sanitaire


ÉDITO - Adapter nos capacités de réponse aux nouveaux risques

Marc Benderitter, adjoint au directeur santé de l’IRSN - © Florence Levillain/Signatures/Médiathèque IRSN

La réponse sanitaire à une crise radiologique ou nucléaire fait intervenir un vaste réseau d’acteurs du système de santé. Fort de son centre de crise, de ses experts, de ses outils de simulation et d’évaluation dosimétrique, l’IRSN lui apporte son soutien. Mais les risques évoluent. Nos capacités doivent donc s’adapter, moyennant un effort important de recherche et développement.
Cette recherche doit coller aux besoins opérationnels, dans un dialogue constant avec les acteurs de terrain, pompiers, sécurité civile ou médecins. Les solutions proposées doivent être facilement déployables, simples à utiliser, robustes, capables de fournir une réponse rapide, offrir de nouvelles options de traitement. L’un des enjeux est aujourd’hui de pouvoir gérer simultanément un grand nombre potentiel de victimes.
Cette recherche est pluridisciplinaire. Elle s’organise en réseaux nationaux et internationaux, avec des universitaires, des industriels, des cliniciens, des organismes de sécurité ou de défense. Et elle porte ses fruits. Nous pouvons citer par exemple, après dix ans d’études menées par l’Institut et ses partenaires hospitaliers, la mise au point de protocoles de traitement utilisant des facteurs de croissance ou des cellules souches dans la prise en charge du syndrome aigu d’irradiation et des brûlures radiologiques. Concernant la réponse sur le terrain, c’est notamment le développement, avec le service de protection radiologique des Armées, de l’outil projetable de reconstruction dosimétrique Seed¹. D’autres projets arriveront à maturité dans quelques années. Comme DosiPop, une application sur smartphone qui permettra à toute personne impliquée dans un événement radiologique ou nucléaire de faire des mesures de terrain exploitables, ou le programme européen ActiDecorp, destiné à la recherche de décorporants innovants. C’est à travers cette R&D que l’Institut renforce ses capacités opérationnelles et contribue à la maturation des doctrines associées, au service de l’État.

Marc Benderitter,
adjoint au directeur Santé.

 

1. Simulation des expositions externes et dosimétrie


Intervenir auprès des populations exposées

Si un accident nucléaire majeur survenait sur une centrale nucléaire française, l’IRSN participerait activement à la réponse sanitaire et médicale déployée auprès des populations. Que ce soit en projetant sur place ses moyens mobiles de dosimétrie, ou en analysant dans son laboratoire fixe du Vésinet les échantillons biologiques récoltés.

REPORTAGE – Alarme radioactive à l’aciérie de Trith-Saint-Léger

Un incident survient le 22 octobre 2021 à la fonderie de Trith-Saint-Léger, dans le Nord. Il n’a aucune conséquence médicale, pour les riverains comme pour les employés. C’est néanmoins l’occasion de tester la capacité des moyens mobiles à réaliser une centaine de mesures de dosimétrie interne en une seule journée.

Quels traitements pour les populations exposées ?

Pour décontaminer les patients ayant ingéré ou inhalé des éléments radioactifs, des scientifiques mettent au point de nouveaux produits décorporants. Leur rôle ? Se fixer sur un radionucléide pour l’évacuer ensuite par voie naturelle. Un mode d’action très ciblé, dont l’efficacité reste à améliorer.

Prendre en charge les victimes irradiées

L’exposition directe à une source radioactive est un accident rare. Comment y répondre ? L’Institut et ses partenaires hospitaliers civils et militaires ont dans ce domaine une compétence reconnue. L’enjeu est désormais de se préparer à un accident impliquant un grand nombre de victimes.

Traiter le syndrome aigu d’irradiation

Le syndrome aigu d’irradiation, ou SAI, est la manifestation clinique la plus sévère d’une irradiation. Il survient lorsque l’organisme a été exposé à de fortes doses de radioactivité. Des années de recherche permettent d’en préciser les traitements, notamment à base de cellules souches, pour améliorer la prise en charge des personnes irradiées.


Dossier publié en octobre 2024