REPORTAGE - Incident de radioprotection, évaluer au mieux la dose reçue

L’été dernier, un travailleur se contamine avec de l’iode 125 dans un laboratoire de l’Université Clermont Auvergne (Puy-de-Dôme). Le médecin du travail sollicite l’IRSN. Récit.

Le Laboratoire d’analyses médicales radiotoxicologiques de l'IRSN (LAMR) situé au Vésinet (Hauts-de-Seine), effectue des mesures par spectrométrie gamma des échantillons d’urine - © Eric Thibaud/Médiathèque IRSN

Clermont-Ferrand, le 2 juin 2021. Dans le Laboratoire d’imagerie moléculaire et stratégies théranostiques* (IMoST, unité mixte Université Clermont Auvergne, Inserm), un radiochimiste manipule un produit marqué à l’iode 125. Il porte des gants. Pourtant, au moment du contrôle quotidien de non-contamination, le contaminamètre détecte de la radioactivité sur l’extrémité d’un de ses doigts.
« Il a jugé la contamination minime et ne nous a pas
alertés tout de suite », raconte Valérie Lucas, médecin du travail à l’université. Mais la contamination persiste. Quelques jours plus tard, l’agent signale l’incident aux conseillers en radioprotection (CRP), qui alertent la médecine du travail.

Quelle conduite tenir ?

Valérie Lucas contacte immédiatement l’IRSN. « Elle nous a demandé des conseils sur les examens à réaliser pour évaluer l’exposition », se souvient Cécile Challeton de Vathaire, experte en dosimétrie interne au Service de recherche en dosimétrie (Sdos). Des traitements locaux – tels les pansements d’argile – sont préconisés pour éliminer la contamination résiduelle du doigt.
Y a-t-il eu contamination interne ? Le Sdos conseille
une anthroporadiométrie de la thyroïde et un examen radiotoxicologique des urines, à réaliser au Vésinet (Yvelines), au Service de mesure des expositions aux rayonnements ionisants (Smeri).
« L’agent n’a pas souhaité faire l’examen thyroïdien,
mais il a réalisé deux prélèvements urinaires sur vingt-quatre heures », relate Valérie Lucas. Les CRP envoient régulièrement à l’Institut les mesures relevées au niveau du doigt.
Réglementairement, le médecin du travail calcule la
dose interne. « Mais il n’a pas toujours les outils pour le faire », remarque Cécile Challeton de Vathaire.

Le calcul de dose

L’IRSN apporte alors son concours pour estimer cette dose avec le logiciel Miodose, développé en partenariat avec Orano (lire article "La collecte de données est capitale pour la radioprotection").
La dose efficace engagée est estimée à environ 4 mSv.
Celle à la peau, à plus de 200 mSv.
Le 6 juillet, le médecin en informe l’Autorité de sûreté
nucléaire (ASN). La dose à la peau dépassant le quart de celle annuelle autorisée, l’incident est classé au niveau 1 sur 7 de l’échelle internationale de gravité des évènements nucléaires et radiologiques, Ines.
Le radiochimiste passe en catégorie A, il bénéficie
d’un suivi médical plus étroit pendant un an.
Médecin et conseiller engagent des mesures correctives.
« La hotte accueillant les manipulations avec l’iode 125 est étanchéifiée et sa ventilation améliorée. Les déchets sont placés dans une zone ventilée », détaille Arnaud Briat, CRP à l’Université Clermont Auvergne.
Le retour d’expérience sur l’incident est partagé et
les règles de radioprotection rappelées en réunion d’équipe. « Plusieurs procédures n’avaient pas été respectées, se souvient Arnaud Briat, comme la double paire de gants. Nous avons aussi insisté sur la nécessité de faire une déclaration immédiate. »

* Nouvelle approche médicale combinant en simultanément des aspects diagnostiques et thérapeutiques.

 


BIBLIOGRAPHIE

Repères n°32, février 2017 Radioprotection : les solutions s’adaptent aux nouveaux besoins www.irsn.fr/R32

Bilans des expositions professionnelles aux rayonnements ionisants en France 2020 https://expro.irsn.fr/
Cohorte O’Ricams www.irsn.fr/oricams
Toutes les études et cohortes du Lepid www.irsn.fr/lepid
Cosmic on air https://cosmic-on-air.org/
Openradiation www.openradiation.org
SievertPN www.sievert-system.org



Article publié en avril 2022