Exposition aux rayonnements : le suivi des professionnels est optimisé

Les indicateurs d’exposition des professionnels aux rayonnements ionisants restent stables. La connaissance du risque progresse et se renforcera encore après la refonte du système de surveillance dédié. L’épidémiologie réalise un suivi des secteurs à risque. Tour d’horizon.

Les procédures vétérinaires utilisant des rayonnements ionisants sont nombreuses et variées : tomographie, radiologie interventionnelle, radiothérapie, curiethérapie, scintigraphie…. Ici, radiographie du pied d’un cheval à l'école nationale vétérinair
Les procédures vétérinaires utilisant des rayonnements ionisants sont nombreuses et variées : tomographie, radiologie interventionnelle, radiothérapie, curiethérapie, scintigraphie…. Ici, radiographie du pied d’un cheval à l'école nationale vétérinair - © lorence Levillain/Signatures/Médiathèque IRSN

Transporteur de sources radioactives, dentiste, travailleur du nucléaire...
En 2020, 387 452 professionnels exposés aux rayonnements ionisants ont fait l’objet d’un suivi dosimétrique, révèle le dernier bilan travailleurs 2020 de l’IRSN. Ce document identifie les secteurs et métiers les plus exposés et présente des études ciblées afin de mieux comprendre les risques. Repères fait le point sur la radioprotection des travailleurs et les moyens mis en oeuvre pour la renforcer.
« Nous observons une hausse de l’effectif suivi de 1 à 3 % par an1. » En quelques mots, Juliette Feuardent, experte en radioprotection, résume un des enseignements des derniers bilans annuels. Hors effets de la pandémie1, les variations annuelles d’exposition collective reflètent les fluctuations d’activité du nucléaire : « Lorsque les opérations de maintenance sont nombreuses, la dose augmente », décrypte-t-elle. Ainsi la forte baisse de la dose collective en 2020 – moins 35,5 % – reflète essentiellement la réduction de ces travaux. Elle est aussi liée à l’importante diminution des doses des personnels navigants (PN), car la pandémie a fait chuter le trafic aérien.

Sas de confinement pour un chantier de démantèlement présentant de la contamination alpha.
Sas de confinement pour un chantier de démantèlement présentant de la contamination alpha. - © Laurent Zylberman/Graphix-Images/Médiathèque IRSN

Zoom sur les professionnels de santé

Le bilan 2020 propose des focus thématiques. L’un s’intéresse à l’exposition du cristallin – la lentille naturelle de l’oeil – dans le médical. À la suite de l’abaissement du seuil réglementaire à 20 mSv, les effectifs suivis pour la dosimétrie de cet organe sont multipliés par plus de vingt depuis 2015 (voir ci-après). Les doses individuelles moyennes au cristallin montrent que les radiologues interventionnels2 sont les plus exposés. Depuis 2017, grâce au projet européen Medirad, l’IRSN explore l’efficacité des protections radiologiques individuelles (PI) disponibles. « Plusieurs études épidémiologiques montrent un risque accru de cataractes radio-induites et suggèrent aussi davantage de risque de tumeurs au cerveau possiblement radio-induites », expose Christelle Huet, chercheuse au Laboratoire de dosimétrie des rayonnements ionisants (LDRI). Le LDRI étudie3 l’efficacité de plusieurs PI : visière, calot, tablier et drap plombés et non plombés, système suspendu Zero-Gravity4. Le laboratoire recourt à la simulation pour évaluer la réduction de dose au niveau de certains organes.
« Nous modélisons une installation de radiologie interventionnelle et simulons une procédure de cardiologie interventionnelle. Nous calculons la dose avec et sans PI au niveau du cristallin et du cerveau. Des mesures sont également réalisées à l’aide de dosimètres dans des fantômes simulant les médecins ou portés par eux. » Les deux approches se complètent pour identifier ce qui influence l’efficacité d’une PI. En 2021, le système Zero-Gravity s’avère* le plus efficace : il réduit la dose aux organes couverts d’un facteur sept environ.

Pour traiter en urgence un accident vasculaire cérébral, le médecin cherche à enlever un caillot. Cette procédure réalisée par voie endovasculaire, sous contrôle radioscopique, expose le praticien aux rayonnements ionisants. - © A. Noor/Image Point FR/BSIP

Reconstituer des années de vol

En permanence dans le cockpit, les pilotes sont la catégorie de personnel navigant la plus exposée - © choja/iStock

Le bilan analyse le cas des PN. Si la proportion de ceux recevant plus de 5 mSv par an est faible, elle croît chaque année, sauf en 2020 avec la pandémie. Pour comprendre les effets du rayonnement cosmique, le Laboratoire d’épidémiologie des rayonnements ionisants (Lepid) bâtit la cohorte Space avec Air France et Santé publique France. C’est un défi, car il s’agit de reconstituer les doses de 30 000 PN depuis les années 1970. « Cette étude compare l’état de santé des PN avec celui de la population générale », précise Klervi Leuraud, épidémiologiste.
Un autre programme avec Air France collecte des données pendant des éruptions solaires. « Les éruptions affectant le débit de dose aux altitudes de vol sont peu fréquentes et ne durent que quelques heures », précise François Trompier, ingénieur chercheur. Depuis 2013, jusqu’à 35 avions mesurent en continu ces rayonnements à l’aide de dosimètres électroniques. Dans les jours suivant une éruption, l’outil Sievert PN sera, le cas échéant, corrigé avec ces données et les doses de l’équipage réévaluées finement.
Depuis 2019, le projet de sciences participatives Cosmic on Air* complète le dispositif.

Nucléaire : l’exposition chronique

En 2020, comme en 2019, il n’y a pas de dépassement de la limite réglementaire annuelle de 20 mSv pour le secteur nucléaire. En revanche, la dose collective avait augmenté de 8,3 % en 2019, en raison des maintenances plus nombreuses. Pour connaître les risques de ces faibles doses, le Lepid suit la cohorte nationale Seltine, soit 80 000 travailleurs dans ce secteur. Les premiers résultats* montrent une augmentation significative du risque de leucémie myéloïde. Le suivi continue. Seltine intègre la cohorte internationale Inworks, qui compte plus de 308 000 travailleurs du nucléaire. D’ici trois ans, les différentes études livreront de nombreux résultats. De quoi renforcer les pratiques et normes de radioprotection.

1. Le nombre d’analyses a chuté de 14 % en 2020 par rapport à 2019, pour le suivi de l’exposition interne.
2. Un radiologue interventionnel réalise des actes diagnostiques ou thérapeutiques sous guidage fluoroscopique avec rayons X.
3. Collaboration avec deux instituts européens (SCK-CEN, Belgique, et Nofer, Pologne).
4. Combinaison plombée suspendue.

 


INFOGRAPHIE - 2015-2019 : quelles évolutions de la radioprotection des travailleurs ?

Plus de 20 000 professionnels exposés aux rayonnements ionisants supplémentaires sont suivis depuis 2015. Zoom sur quelques chiffres clés*.

© Art Presse/ABG Communivation/Médiathèque IRSN/Magazine Repères

En chiffre

  • 7

    dépassements de valeurs limites d’exposition (VLEP) sont relevés en 2020 par le Bureau d’analyse et de suivi des expositions professionnelles (Basep) qui gère la base Siseri. 

  • 18

    reconstitutions de dose interne sont réalisées par l’IRSN en 2019. 

  • 6

    travailleurs reçoivent en 2020 une dose individuelle annuelle dépassant 20 mSv* : cinq en exposition externe, un en interne. 
    * limite annuelle réglementaire 

Pour aller plus loin

Lire l'article Radioprotection : nouveaux besoins, nouvelles solutions 
www.irsn.fr/R32



Article publié en avril 2022