Accident grave : quand les EPS contribuent à la gestion de crise

Les connaissances issues des études probabilistes de sûreté contribuent au développement des outils du centre technique de crise de l’IRSN. Elles aident aussi les experts qui participent à son fonctionnement à définir les hypothèses de calcul pour évaluer les rejets radioactifs possibles en cas d’accident grave.

Des travaux réalisés lors d'études probabilistes de sûreté (EPS) sont utilisés pour développer des outils du centre technique de crise (CTC) de l'IRSN. En cas de crise radiologique ou nucléaire, ce centre basé à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) ... - © Célia Goumard/Médiathèque IRSN

En cas d’évènement radiologique touchant une installation nucléaire, l’IRSN mobilise son centre technique de crise (CTC). Cette structure basée à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) apporte aux autorités un éclairage technique sur les conséquences possibles de l’évènement. Certains travaux réalisés dans le cadre des études probabilistes de sûreté (EPS) sont intéressants, tant pour définir les hypothèses et les données requises par les outils développés pour le CTC que pour les experts qui les utilisent en situation de crise. « Les experts du CTC peuvent s’en servir pour pronostiquer certaines hypothèses de calcul, comme l’évolution de la pression dans l’enceinte », relate Valérie Creach, experte en gestion de crise au Service des situations d’urgence et d’organisation de crise (Sesuc). 

Tous les scénarios possibles

Les EPS de niveau 2, qui évaluent les risques de rejets radioactifs dans l’environnement1, s’appuient sur de très nombreuses études. « Par exemple, pour modéliser la dégradation du cœur, environ 500 calculs sont réalisés, allant de l’initiateur de l’accident jusqu’à la rupture de la cuve », chiffre Guillaume Kioseyian, expert au bureau des EPS 2 et équipier de crise. Menés avec le logiciel Astec2, qui modélise les accidents depuis un évènement initiateur jusqu’aux rejets radioactifs dans l’environnement, ces calculs simulent l’évolution d’une variété de paramètres : niveaux de pression dans l’enceinte, délais d’entrée en accident grave et de rupture de la cuve, masses de corium, etc.

Pronostics

Pour savoir où chercher dans cette masse de calculs, l’expert du CTC dispose de fiches thématiques, synthétiques et visuelles. Elles répondent à toutes les configurations possibles : type de réacteur concerné – 1 300 MWe, 900 MWe, etc. –, en production ou à l’arrêt, évènement initiateur de l’incident – perte de réfrigérant primaire, perte de source électrique, etc. « En se reportant à la fiche adéquate, il est possible de voir rapidement que le scénario en train de se produire se rapproche de telle ou telle séquence, puis par exemple de pronostiquer que la pression dans l’enceinte va suivre une évolution calculée au préalable. Cela peut aider à prédire à quel moment sera atteinte la pression d’ouverture du dispositif d’éventage-filtration, dit U5 », illustre Valérie Creach. L’expert peut ensuite entrer ces hypothèses dans les outils de calcul développés par le Sesuc, comme Persan, pour déterminer quelle quantité de matière radioactive pourrait s’échapper de l’installation et quelles seraient les conséquences radiologiques sur l’environnement et la population.
Concernant la phase « hors cuve » de l’accident grave – lorsque le mélange hautement radioactif de combustible et de matériaux fondus a percé la cuve en acier du réacteur –, l’expert se réfère non pas à des fiches, mais à un outil dénommé Paco. « Au travers d’une interface graphique conviviale, Paco offre un accès à une grande base de données de calculs réalisés en support aux EPS 2 », pointe Guillaume Kioseyian.

Quatre années de travail

Verser des études support des EPS 2 au CTC est un travail de longue haleine, qui mobilise des ingénieurs de l’IRSN. La production des premières fiches remonte à 2008. Elles doivent être mises à jour régulièrement, car les EPS sont révisées tous les dix ans pour prendre en compte les modifications réalisées dans les installations à l’occasion des visites décennales et les études support mises à jour à cette échéance.
Mais l’effort principal de l’IRSN réside avant tout dans la production de ces EPS 2 et de leurs études support : « Trois années furent par exemple nécessaires pour réaliser les 500 calculs de dégradation du cœur pour les réacteurs de 1 300 MWe », illustre Guillaume Kioseyian.
Les experts du CTC sont régulièrement entraînés à la bonne utilisation des fiches et des outils comme Paco lors des exercices de crise. Il faut s’assurer qu’ils sont utiles et fonctionnels en situation réelle.

1. Par définition, les EPS 2 débutent au dénoyage du cœur, quand les crayons combustibles ne sont plus totalement recouverts par le fluide réfrigérant.
2. Accident Source Term Evaluation Code, logiciel développé par l’IRSN.


Article publié en décembre 2023