Des modifications sur l’ensemble du parc

Rénovation. À la suite des événements de 2009, l’exploitant a engagé une remise à niveau des stations de pompage à Cruas (Ardèche) et sur l’ensemble du parc de réacteurs en France. Modifications matérielles, évolution des procédures de conduite, dispositif de gestion de crise : tout est bon pour améliorer la sûreté des sources froides. 

À Cruas (Ardèche), le dégrilleur – peigne mobile automatique – récupère les débris charriés par l’eau avant son entrée dans le tambour filtrant.
À Cruas (Ardèche), le dégrilleur – peigne mobile automatique – récupère les débris charriés par l’eau avant son entrée dans le tambour filtrant. - © Noak/Bar Le Floréal/IRSN

Des grilles flambant neuves dominent de plusieurs mètres l’eau du canal d’amenée. Elles sont surmontées de systèmes de nettoyage automatique. Les “dégrilleurs” sont d’énormes peignes métalliques motorisés (voir photo ci-dessus). Ils débarrassent les grilles des objets colmatants et les déversent dans une benne. La station de pompage de Cruas (Ardèche) a ainsi bénéficié d’une rénovation importante.  

Différents systèmes de protection de la source froide

Témoins les armoires métalliques contenant la nouvelle instrumentation, des sondes de niveau en aval des tambours filtrants. Un système de recirculation hivernale alimenté par une pompe assure la protection des grilles de préfiltration contre le phénomène “frasil”. “Elle sera remplacée d’ici à la prochaine visite décennale par un système gravitaire : plus besoin d’électricité, il suffira d’ouvrir une vanne”, explique Stéphane Boero, directeur délégué technique de la centrale.
Tout, ici, est à l’échelle industrielle. Il faut une voiture pour se rendre à l’entrée du canal d’amenée, totalement repensé après une étude hydrologique. Perpendiculaire à l’écoulement du Rhône, un “épi-déflecteur” – digue d’une soixantaine de mètres sur un soubassement rocheux – protège l’entrée du canal en déviant le flux de débris charriés par le fleuve. L’entrée est barrée par une longue drome flottante. Derrière elle, un conteneur métallique abrite un barrage flottant prêt à être déployé en cas d’arrivée d’une nappe d’hydrocarbure.  

Une remise à niveau générale

Avec des nuances propres à la géographie et à la configuration de chaque site, toutes les centrales ont bénéficié d’améliorations importantes. “L’incident de Cruas et les événements survenus en 2009 ont déclenché une réflexion globale, confirme Stéphane Boero. Cela a amené à une revue de robustesse des sources froides sur l’ensemble du parc.
En amont de cette revue, EDF lançait un plan d’actions à “court terme”, traitant l’aspect “agression colmatage”. Il avait pour but de réexaminer l’exploitation – surveillance, conduite et maintenance – et la conception des sources froides face aux risques. Il visait aussi l’amélioration des procédures de conduite incidentelles et accidentelles. Dernier objectif : réexaminer la pertinence des critères de déclenchement du Plan d’urgence interne (PUI).
La revue “Robustesse source froide” de 2011 a conduit à la surveillance des agresseurs potentiels – débit du fleuve, quantité de végétaux, etc. –, à des modifications matérielles ou à l’amélioration de la maintenance des équipements de la station de pompage.
Côtés matériels, des capteurs mesurant le niveau d’eau en aval des filtres ont été posés. Dès que ce niveau atteint un seuil d’alerte, les pompes de production qui consomment de loin le plus gros débit, sont automatiquement coupées, laissant toute l’eau disponible à celles du circuit de refroidissement de sûreté.
De son côté, l’IRSN, saisi par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), entamait une étude approfondie de la nature des risques, des procédures, de la conception et de la protection de la station de pompage, à Cruas puis sur l’ensemble des sites français.
À cela s’ajoutent, lorsque cela a été nécessaire, le remplacement de grilles de pré-filtration, plus solides, le doublement des capacités de dégrillage et l’installation d’une recirculation d’eau chaude contre le frasil, la mise en place d’une image du transit de l’eau brute en salle de commande et la révision des critères de dragage du canal d’amenée, pour éviter l’ensablement ou l’envasement.

Veille environnementale

Autres modifications, moins spectaculaires mais tout aussi importantes, l’évolution des procédures – conduite, maintenance et surveillance des installations, gestion de crise – et des critères de déclenchement du PUI.
Enfin, l’exploitant assure désormais une veille environnementale. “Depuis 2012, EDF surveille les agresseurs potentiels des sources froides”, précise Stéphane Boero. Chaque exploitant de site recense tout ce qui arrive sur ses grilles et ses filtres. Il envoie ces données au service environnement. Celui-ci centralise ces renseignements. Il tente de dégager des corrélations entre l’arrivée de tel ou tel colmatant et les données météorologiques ou hydrologiques, entre autres.
“EDF édite chaque semaine un bulletin donnant le niveau de risque pour chaque site, établi en lien avec les agresseurs, comme les végétaux, le froid – glace, frasil – et l’ensablement ou l’envasement”, note Stéphane Boero.
Sur le terrain, l’exploitant suit la quantité de végétaux présents dans la rivière ou susceptibles de se décrocher des berges, sur quelques dizaines de kilomètres en amont de chaque site, en combinant comptages et images aériennes. Il développe de nouveaux outils, en particulier un sonar pour détecter en temps réel la quantité de colmatants charriés par la rivière. 


INFOGRAPHIE - Tambours, dégrilleurs et drome flottante protègent la source froide contre des agresseurs naturels

Pour garantir la disponibilité permanente de la source froide, essentielle au refroidissement des centrales, de nombreuses améliorations ont été apportées. Tambours filtrants, dégrilleurs et drome flottante : trois systèmes protègent la source froide contre les risques liés aux colmatants. 

Pour garantir la disponibilité permanente de la source froide, essentielle au refroidissement des centrales, de nombreuses améliorations ont été apportées. Tambours filtrants, dégrilleurs et drome flottante : trois systèmes protègent la source froide cont
© Antoine Dagan/Spécifique/IRSN - Source : IRSN/Magazine Repères

Cruas 2009, une nuit sous tension

En début de soirée du 1er décembre 2009, une cinquantaine de tonnes de végétaux s’accumulent sur les grilles de la station de pompage commune aux réacteurs 3 et 4 de la centrale de Cruas-Meysse (Ardèche). L’unité de production n° 4 subit une perte totale de source froide. Elle est arrêtée. Le Plan d’urgence interne (PUI) d’EDF est déclenché. Conformément aux procédures de conduite, l’exploitant utilise l’eau de deux grands réservoirs, le premier pour refroidir les systèmes de sûreté et le second pour évacuer la puissance résiduelle du cœur par une alimentation en eau des générateurs de vapeur. Dehors, le système de dégrillage s’avère insuffisant. Il faut faire intervenir des moyens mobiles pour retirer les végétaux. Tout rentre dans l’ordre au matin. La perte totale de la source froide aura duré dix heures. L’incident sera classé au niveau 2 sur l’Échelle internationale des événements nucléaires (Ines). 



Article publié en juillet 2016