Niveaux de référence diagnostiques : optimiser les doses délivrées
Grâce aux niveaux de référence diagnostiques (NRD), les doses délivrées aux patients au cours des actes médicaux à visée diagnostique ont pu être diminuées. Entre 2018 et 2021, la baisse est de 4 à 19 %, selon les domaines -radiologie conventionnelle, scanographie, médecine nucléaire. Ces niveaux aident les professionnels à affiner leurs pratiques.
TEMOIGNAGE – Émeline Bigand : "Nous avons réussi à diminuer les doses de rayons utilisées en pédiatrie"
"Les niveaux de référence diagnostiques (NRD) permettent aux professionnels de santé – manipulateurs radio, cadres de santé, médecins… – de savoir si leurs protocoles et leurs critères de qualité d’images sont optimisés. Je mets en œuvre les NRD dans les services dont je suis responsable en choisissant, avec les équipes, les examens que nous allons évaluer : examens connus pour être fréquents et/ou irradiants. En 2016, nous avons constaté que nous étions au-dessus des valeurs de référence pour les radios du thorax pour deux gammes de poids en pédiatrie. En travaillant ensemble, en menant une étude dosimétrique et en changeant certains paramètres d’acquisition – réduction du champ d’irradiation, distances… – nous avons réussi à diminuer les doses de rayons utilisées et à redescendre sous l’indicateur défini par les NRD. La mise en place comme le suivi sont assez contraignants. Au début, les professionnels ont parfois du mal à adhérer à cette démarche. Puis, ils prennent progressivement conscience de son intérêt pour améliorer la radioprotection des patients.
Notre étude dosimétrique concernait les radios du thorax au sein des deux services de radiopédiatrie. Elle avait pour objectif de corréler la dose la plus faible possible avec une image interprétable. Les manipulateurs étaient impliqués dans le recueil des données, les cadres et les physiciens pour la mise en place et l’interprétation de l’étude, et les médecins pour estimer la qualité de l’image et son ‘interprétabilité’. Nous sommes en train d’en finaliser les conclusions pour améliorer nos pratiques. Les formations en santé intègrent de plus en plus les notions de justification et d’optimisation de l’usage des rayonnements. Dans certains pays européens, la culture de la radioprotection est ancrée depuis longtemps. En France, les mentalités évoluent. L’optimisation des doses devient peu à peu une priorité.”
TEMOIGNAGE – Jérémy Coulot : "Les NRD sont une porte d’entrée vers d’autres problématiques d’optimisation"
Jérémy Coulot est physicien médical et dirigeant d’une société d’expertise en physique médicale auprès d’hôpitaux, publics et privés, et de cabinets de radiologie. Il fait le point sur son utilisation des Niveaux de référence diagnostiques (NRD).
« Quelles que soient les structures auprès desquelles nous intervenons, nous suivons toujours la même démarche. Nous réalisons un état des lieux des pratiques dans l’établissement avant de nous fixer des objectifs annuels. Par exemple, nous optimisons des protocoles de réalisation d'examens scanographies intéressant le crâne ou le thorax en agissant sur de nombreux paramètres, de la valeur de la haute tension au type d'algorithme informatique utilisé pour reconstruire les images Ce travail se fait en collaboration avec les radiologues et les manipulateurs. Ensuite, nous mettons en œuvre de nouvelles pratiques - nouveaux protocoles d’acquisition, mise en place de fiches pratiques - pour atteindre ces objectifs. Dans ce processus, les niveaux de références diagnostiques (NRD) ont l’avantage de nous fournir des données standardisées sur lesquelles nous appuyer.
Ils sont connus et compréhensibles par tous. Nous les utilisons donc comme porte d’entrée car ils constituent un bon moyen de sensibilisation. À partir de là, nous pouvons aller vers d’autres problématiques d’optimisation, d’autres examens pour lesquels il n’existe pas de NRD. En tant qu’intervenants extérieurs, nous apportons un éclairage indépendant et sans préjugé, car 80 % de la démarche d’optimisation se joue sur des questions de management et d’organisation. Si nous prenons le temps de la pédagogie, nous pouvons obtenir des résultats significatifs. Un exemple, dans un établissement où nous intervenons : nous avons récemment réduit de 20 % les doses moyennes reçues par les patients bénéficiant de scanners abdomino-pelviens en modifiant les protocoles, tout en conservant la qualité d’image souhaitée par le radiologue. Le plus important est d’avoir une relation de confiance avec un interlocuteur motivé sur le terrain, d’impliquer tout le monde dans le projet d’optimisation, et en particulier les médecins, dès le début. Nous sommes convaincus qu’il ne faut pas jouer sur la « peur des rayons » ou sur la peur du gendarme mais sur la mise en place d’une démarche de progrès et d’amélioration de la prise en charge des patients : les soignants sont en tout cas très demandeurs. »
INFOGRAPHIE – Un outil pour aller vers la juste dose
Au sein d’un service d’imagerie, le physicien médical s’assure du bon usage des rayonnements ionisants dans leurs applications diagnostiques et thérapeutiques. Les NRD sont l’un des outils dont il dispose pour évaluer les pratiques professionnelles et mesurer l’efficacité de la démarche d’optimisation des doses
AVIS D’EXPERT – Aurore Danvin : "D’année en année, les chiffres s’améliorent"
Les établissements de santé doivent réglementairement recueillir des données dosimétriques pour les examens de radiologie ou de médecine nucléaire les plus fréquents et les plus irradiants. Puis, ils doivent les comparer à des niveaux de référence diagnostiques nationaux (NRD) et adresser leurs résultats à l’IRSN. Cette obligation est mise en place depuis 2004. Ces données en provenance de toute la France nous permettent de proposer des mises à jour de ces NRD en adéquation avec les technologies et les pratiques les plus récentes. Par exemple, l’Institut préconise une baisse des niveaux pour les radiographies du poumon – face et profil, d’après les résultats du bilan paru en 2023.
Nous suivons l’évolution des doses délivrées, examinons la participation des établissements au dispositif des NRD et publions un bilan tous les trois ans. Six experts sont impliqués dans l’élaboration de ce document.
D’année en année, les chiffres s’améliorent : pour le panoramique dentaire, le 75è centile est 14% en-dessous du NRD en vigueur ; cette diminution est chiffrée à -60% pour les scanners des sinus de la face.
Ces niveaux de référence sont un outil destiné aux professionnels de santé : ils permettent d’appuyer la démarche d’optimisation des doses délivrées aux patients.
Les pouvoirs publics s’appuient sur nos bilans et nos enquêtes pour mettre à jour régulièrement les niveaux de référence -le plus souvent à la baisse- et intégrer de nouveaux examens au dispositif des NRD. Depuis 2019, des actes de radiologie interventionnelle -interventions guidées par l’imagerie- sont intégrés au dispositif, avec une bonne première participation des centres recensée dans le bilan 2019-2021. Selon la spécialité, de 84% à 100% des établissements envoient au moins une évaluation sur la période concernée.
Les pratiques peuvent encore être optimisées. Des travaux sont en cours, concernant par exemple les examens de mammographie réalisés dans le cadre du dépistage organisé du cancer du sein et la tomosynthèse.
INFORMATIONS PRATIQUES
Que sont les NRD ?
Les examens diagnostiques utilisant des rayonnements ionisants – radiologie diagnostique (ou conventionnelle) incluant les examens de mammographie et dentaires, radiologie interventionnelle (ou pratiques interventionnelles radioguidées), scanographie et médecine nucléaire – exposent les patients de façon variable selon la procédure mise en œuvre, la technologie de l’installation et la morphologie du patient. Cette exposition doit être aussi basse que possible, sans remettre en cause la qualité diagnostique de l’examen.
Afin d’aider les professionnels de l’imagerie à optimiser les doses qu’ils délivrent à leurs patients, la réglementation définit des niveaux de référence diagnostiques (NRD) nationaux pour les actes d’imagerie médicale diagnostiques les plus courants. Les professionnels évaluent chaque année leurs pratiques, du point de vue dosimétrique, en les comparant à ces références.
Ces niveaux de référence ne doivent pas être assimilés à des “limites de dose”, ni à des “doses optimales”. En complément de l’application des guides de bonnes pratiques par les professionnels, ces niveaux sont établis pour des examens standardisés et des patients types. Ils reflètent les pratiques professionnelles sur une période donnée. Ils ne devraient pas être dépassés sans justification, pour une installation et un examen donnés, lors de la comparaison de la médiane analysée par rapport au NRD.
En chiffres
Pour les scanners du thorax, les NRD définis en 2011 étaient de 15 mGy pour l’indice de dose scanographique au volume et 475 mGy.cm pour le produit dose x longueur. Ils ont été abaissés respectivement à 9,5 mGy et 350 mGy (décision de l’ASN de 2019). Le dernier bilan de l’IRSN montre que ces niveaux peuvent être encore abaissés pour cet examen.
Réglementation
Les NRD sont définis pour les actes de radiologie, de pratiques interventionnelles radioguidées ou de médecine nucléaire les plus courants depuis 2004. Ils figurent dans l’arrêté du 23 mai 2019.
Septième bilan pour l’IRSN
En juin 2023, l’IRSN a publié son septième bilan (2019-2021). Il réalise un premier bilan des doses délivrées en radiologie interventionnelle. Il préconise d’actualiser la réglementation dans tous les domaines -en priorisant la scanographie-, de définir de nouveaux NRD, et de renforcer l’adhésion des professionnels à cette démarche, particulièrement en pédiatrie.
Consulter le site dédié aux NRD et le dernier bilan : https://nrd.irsn.fr.
Article publié en avril 2017, mis à jour en octobre 2024