Risque radiologique : les citoyens s’impliquent
Quel est l’impact d’une centrale sur son environnement ? Des élus et la population des territoires concernés s’impliquent sur ce thème auprès des experts. Illustration à Saint-Maurice-l’Exil (Isère), lieu de la première étude radiologique de site.
1. Pourquoi une étude à Saint-Alban ?
Sur la commune de Saint-Maurice-l’Exil, où est partiellement implantée la centrale nucléaire de Saint-Alban Saint-Maurice, les habitants sont surtout préoccupés par les usines chimiques, nombreuses dans la vallée du Rhône.
« La centrale fait partie du paysage depuis 1985. Les gens ont appris à vivre avec cette installation qui n’engendre aucune nuisance olfactive ou visuelle », constate le maire Philippe Genty. Les seuls griefs des habitants de Saint-Maurice-l’Exil à l’égard du centre nucléaire de production d’électricité (CNPE) concernent depuis peu le bruit engendré par la mise en route des moteurs diesel d’ultime secours1 lors des tests menés en pleine nuit.
L’étude radiologique de site, initiée en 2019 par l’IRSN sur les communes proches de la centrale, est la première du genre.
Ce choix n’est pas motivé par une préoccupation environnementale ou sanitaire vis-à-vis du risque radiologique. L’Institut a choisi ce site car l’ensemble des parties prenantes – élus locaux, habitants, acteurs de la société civile et l’exploitant de la centrale – étaient disposées à travailler de concert pour mener à bien ce programme.
1. Après l’accident de Fukushima Daiichi, provoqué notamment par la défaillance des groupes électrogènes alimentant la centrale japonaise, EDF dote les réacteurs du parc nucléaire français d’un moteur diesel de secours autonome.
2. En quoi consiste cette étude ?
L’étude a pour but d’améliorer les connaissances sur l’influence des rejets de radionucléides de la centrale sur son environnement et d’estimer de manière la plus réaliste possible l’exposition des populations avoisinantes. Elle est organisée autour de trois axes : des études de terrain – milieux atmosphérique, terrestre et aquatique –, des enquêtes de proximité et l’implication des acteurs locaux. Les experts informent les habitants sur le risque radiologique au fil des investigations. Ils les aident à s’impliquer dans la mesure de la radioactivité ambiante. « C’est une étude à laquelle le public est pleinement associé », confirme Philippe Genty. Un groupe de suivi composé d’acteurs locaux a été mis en place dès le début du programme par la Commission locale d’information (Cli) de Saint-Alban. Ses missions : exposer les besoins et attentes de la société civile, participer au programme d’études, émettre des avis sur la manière de restituer les résultats…
3. Les exigences des élus sont-elles prises en compte ?
L’étude se déroule en concertation avec les élus. Une quarantaine de communes est impliquée. « À notre demande, elle comprend l’analyse des plateaux-repas servis dans les cantines scolaires et la mesure des rejets de tritium dans l’eau du Rhône sur une année complète », illustre Philippe Genty. Au cours de l’année 2021, en fonction du débit du Rhône, des mesures du niveau de tritium dans l’eau du fleuve sont réalisées en amont et en aval du CNPE.
Objectif de cette campagne d’analyse : mieux comprendre les phénomènes de diffusion des rejets d’effluents radioactifs lorsque le niveau du fleuve est au plus bas. « Ce suivi au long cours devrait contribuer à rassurer nos administrés concernant la qualité des eaux de la base nautique située en aval de la centrale », ajoute l’édile.
4. Comment la société civile est-elle impliquée ?
Élus, associations et citoyens donnent leur avis via le groupe de suivi initié par la Cli locale. « Des réunions organisées trois fois par an informent de l’avancement des investigations et des éventuels blocages », expose Philippe Genty. À l’issue de ce programme de recherche, prévue fin 20212, ce collectif restituera les résultats auprès de la population et des contributeurs. Réalisées pendant l’été 2020 avec le soutien des élus, les enquêtes de proximité – entretiens et questionnaires – caractérisent les habitudes alimentaires et le mode de vie des riverains. Elles recueillent des informations auprès de 120 foyers et 275 personnes de 34 communes. « Avec les experts, nous avons su convaincre la population que cette enquête était primordiale pour établir des scénarios réalistes d’exposition », précise le maire.
2. Le planning et le contenu sont adaptés compte tenu de la pandémie. L’IRSN met tout en œuvre pour maintenir une restitution publique fin 2021.
5. Quels sont les bénéfices et conclusions attendus ?
L’étude servira à établir un calcul réaliste de l’exposition des populations riveraines. Elle permettra de mieux connaître la zone d’influence des rejets de la centrale pour chaque compartiment de l’environnement – air, eau, alimentation, faune, flore, etc. – avec une précision inédite. Deux raisons à cela. D’abord les moyens utilisés sont très performants et mesurent la radioactivité à des niveaux plus bas que ceux utilisés pour la surveillance de l’environnement. Puis, il y a le nombre et la diversité des types de prélèvements et d’analyses réalisés.
Les premiers résultats des études atmosphériques montrent que l’effet des rejets atmosphériques en tritium dans l’axe des vents dominants (nord-sud) est mesurable dans l’air à proximité du site entre 1 et 3-4 km.
Au-delà, et dans l’axe opposé (est-ouest), les activités sont dans la gamme du bruit de fond radiologique. L’ensemble des résultats sera disponible en ligne.
Article publié en novembre 2021