Unités de recherche : la radioprotection est organisée en réseau

Pour assurer la radioprotection de ses personnels, exposés à des sources variées et dispersées dans des laboratoires aux quatre coins de la France, l’Inserm s’appuie sur un réseau de 150 acteurs. Illustration à Caen.

Ahmed Abbas, personne compétente en radioprotection (PCR) du secteur médical (à gauche), et Mathilde Boulanger, médecin du travail (à droite). Spécialistes de leur domaine, les PCR connaissent les sources de rayonnement, les risques d’exposition et les moyens de radioprotection à utiliser.

Boulevard Henri-Becquerel, codécouvreur de la radioactivité naturelle avec Pierre et Marie Curie : une adresse bien nommée pour Cyceron, plateforme d’imagerie biomédicale à Caen (Calvados). Dans ces laboratoires, les rayonnements ionisants sont omniprésents. La radioactivité est une propriété précieuse pour visualiser l’invisible : la consommation de glucose par une tumeur, le parcours d’un médicament dans le sang… L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est partie prenante des laboratoires Cyceron avec huit autres organismes, dont le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Et l’IRSN est à ses côtés pour prévenir les risques radiologiques. 

Un réseau engagé pour la radioprotection 

Les laboratoires caennais ne sont pas les seuls de l’Inserm à abriter des activités faisant appel aux rayonnements. Au total, 90 unités sont concernées. Chercheurs, ingénieurs et techniciens sont exposés au risque radiologique un peu partout en France : irradiation par un faisceau de rayons, contamination de la peau par une substance radioactive… Pour assurer leur sécurité, un réseau de 150 personnes compétentes en radioprotection (PCR) a été créé. Il est piloté par un expert national du risque radiologique, Marie-Lène Gaab, ingénieure en physique nucléaire. Son rôle : apporter un appui à tous les garants de la radioprotection des travailleurs sur le terrain. Elle parcourt la France pour former au risque radiologique les médecins du travail, assistants de prévention et autres acteurs de la radioprotection. Elle visite les structures de recherche pour vérifier que les règles sont appliquées et accompagne les PCR dans leurs missions de dosimétrie, de zonage… C’est dans les laboratoires de Cyceron qu’elle a reçu la rédaction du magazine Repères et fait partager son quotidien. 

 

Des réponses à tous les risques 

Edra Antony Francis est conseillère de prévention pour les laboratoires de la délégation régionale Paris 11. Sur les 42 unités à sa charge, seules neuf utilisent des sources radioactives. La spécialiste s’appuie sur la veille réglementaire réalisée par Marie-Lène Gaab et se tourne vers elle lorsqu’elle est confrontée à une question, par exemple lorsqu’il faut éliminer des déchets historiques sur un site sans PCR. « Les agents font plus attention au risque radiologique qu’au risque chimique ou biologique, parce qu’il fait davantage peur et que la réglementation est très stricte, note-t-elle. Le risque est donc maîtrisé : entre Marie-Lène, le réseau des PCR et les experts des structures auxquelles sont rattachés nos laboratoires, nous trouvons toujours une réponse. » 

Formation des médecins du travail

© Nathalie Bolteau/IRSN

À l’Inserm, Marie-Lène Gaab, experte nationale du risque radiologique, et Christine Bartizel, biologiste médicale à l’Institut, forment les médecins du travail chargés du suivi du personnel exposé aux rayonnements ionisants. La formation aborde la théorie et la pratique de la radioprotection, avec des études de cas et exercices de calcul de dose intégrée. 

Contrôle biométrique

Premier élément de sécurité : ouvrir l’accès des laboratoires uniquement aux personnes habilitées. Leur aptitude médicale a été vérifiée, elles ont été formées au risque radiologique et sont équipées de dosimètres passifs – corps entier, voire bague pour les manipulateurs de sources – et opérationnels, adaptés aux sources de rayonnement exposant dans la zone. 

Décontamination immédiate

Après toute manipulation, l’absence de radioactivité sur les surfaces et personnes est vérifiée avec un « contaminamètre ». Si une goutte de liquide radioactif tombe au sol, celui-ci sera nettoyé. Si elle touche une chaussure, celle-ci sera mise en quarantaine le temps que la radioactivité décroisse. Ici, Carole Brunaud (à gauche), PCR du secteur radiobiologie, et Palma Pro, PCR du secteur préclinique.

Organisation du laboratoire

Des voyants lumineux alertent sur l’utilisation en cours de rayonnements et des trèfles de couleur différente précisent le niveau de risque. Des consignes sont affichées à l’entrée de chaque zone pour rappeler leur signification. Tous les agents reçoivent une note adaptée, voire une formation spécifique en radioprotection, pour évoluer en toute sécurité dans la structure. 

Échange et diffusion des savoirs

© V. Grondin/Inserm

Lors des réunions du réseau des conseillers de prévention, Marie-Lène Gaab présente les actualités internes en radioprotection : date et programme de la prochaine rencontre du réseau de PCR, diffusion de fiches et guides… Elle partage la veille réglementaire sur les aspects liés à la recherche biomédicale, par exemple sur les évolutions de décrets.

Reportage photo : © Sophie Brändström/Signatures/Médiathèque IRSN


DIAPORAMA

Les acteurs de la radioprotection à Cyceron

Ahmed Abbas, personne compétente en radioprotection (PCR) du secteur médical, Mathilde Boulanger, médecin du travail, et Marie-Lène Gaab, PCR coordinatrice à l’Inserm (de gauche à droite), s’équipent de dosimètres avant d’entrer en zone pour passer en revue les mesures de radioprotection dans les laboratoires.

Marie-Lène Gaab explique que la caméra hybride TEP-TDM de Cyceron (tomographie par émission de positons - tomodensitométrie) embarque une source radioactive scellée destinée à la calibration des détecteurs TEP. En dehors de cette étape, la source reste protégée dans un caisson afin de réduire le début de dose à l’extérieur de l’appareil.

Dans la salle de mise en seringue, Ahmed Abbas et Mathilde Boulanger réalisent le contrôle qualité de l’activimètre situé dans une boite à gants, espace confiné qui protège les manipulations avec de la matière radioactive.

Ahmed Abbas montre un passe-plat entre la salle des mises en seringue et la salle d'injection. Ce dispositif évite de véhiculer dans les couloirs des seringues contenant des doses de radioactivité, limitant le risque de dispersion des matières radioactives en cas d’incident, donc de contamination des surfaces et des personnes.

Le PCR explique la particularité des écrans en plomb, comme ce paravent dans la salle d’injection. Destinés à protéger des rayonnements gamma de haute énergie, ces équipements sont lourds et difficiles à manipuler, ce qui peut entraîner d’autres risques, notamment des troubles musculosquelettiques.

Les mesures de radioprotection dans les laboratoires de Cyceron

Des personnes compétentes en radioprotection (PCR) s’équipent de dosimètres opérationnels avant d’accéder aux laboratoires de la plateforme Cyceron à Caen.

Gros plan sur un dosimètre et une bague dosimètre permettant de mesurer la dose potentiellement reçue au corps entier et aux extrémités.

Les consignes de sécurité pour la radioprotection du personnel exposé sont affichées dans la salle de préparation des seringues de la plateforme.

La lumière indique rouge pour la mise sous tension du générateur des rayons X et orange pour les émissions de rayons X.

Marie-Lène Gaab (à gauche) et Palma Pro-Sistiaga (à droite), toutes deux PCR, appliquent sur une paillasse un ruban adhésif avec le pictogramme du risque radiologique pour délimiter une « zone sale », où sera manipulée une source radioactive non scellée. La surface est protégée des contaminations par un champ absorbant au-dessus et étanche en-dessous.

Carole Brunaud, PCR des secteurs radiobiologie et radiochimie, contrôle l'éventuelle contamination de la paillasse à l'aide d'un contaminamètre.

Palma Pro-Sistiaga (à gauche) contrôle à l'aide d'un contaminamètre une éventuelle contamination sur les mains de Carole Brunaud (à droite).

Reportage photo : © Sophie Brändström/Signatures/Médiathèque IRSN


Article publié en avril 2019