Évaluer le risque pour l’enfant à naître

Qu’elle ait besoin d’une imagerie diagnostique ou d’une radiothérapie, la femme enceinte peut être exposée aux rayonnements ionisants. Quelles procédures de radioprotection diminuent le risque pour l’enfant à naître ? Quelles expertises apporte l’Institut dans ce contexte ? 

La justification de l’acte diagnostique ou thérapeutique est très présente en pédiatrie. Elle s’applique avant même la naissance de l’enfant.
La justification de l’acte diagnostique ou thérapeutique est très présente en pédiatrie. Elle s’applique avant même la naissance de l’enfant. - © Getty images

In utero l’embryon, puis le fœtus, fait déjà l’objet de toutes les attentions. Plus encore lorsque sa mère doit subir des examens irradiants. Radiologues et physiciens médicaux limitent les doses reçues à l’utérus. Parfois, lors des expositions délicates à estimer, ils contactent l’IRSN. Depuis 2004, près de 900 évaluations ont été réalisées par l’Institut, le plus souvent suite à l’exposition fortuite à l’occasion d’un diagnostic1. En 2019, il y en a eu 47.  
L’enfant à naître est très sensible aux radiations ionisantes. Au stade pré-implantatoire – huit premiers jours – c’est la loi du « tout ou rien » : après une irradiation, la grossesse s’arrête ou se poursuit normalement. Par la suite, au-delà de 100 mGy2 et selon le stade de développement, les principaux risques sont des malformations, un retard mental et à long terme, une augmentation du risque de cancer proportionnelle à la dose reçue.
Si la réglementation retient un seuil de 1 mGy à ne pas dépasser, la préconisation reste de ne pas exposer le fœtus, sauf si c’est indispensable pour le diagnostic ou le traitement de la mère. 

« Êtes-vous enceinte ? »

Comment le protéger si sa mère doit passer un examen irradiant ? Pour commencer, en interrogeant la patiente. « Nous demandons : "Êtes-vous enceinte ? Est-il possible que vous le soyez ?" Ces questions sont obligatoires et systématiques », précise Catherine Jenny, physicienne médicale à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Que se passe-t-il si la grossesse de la patiente est ignorée ? « Cela arrive rarement », tempère l’experte. Soit l’intéressée n’a pas connaissance de sa grossesse, soit elle arrive inconsciente aux urgences et passe un scanner dans le cadre d’un bilan traumatologique. Il s’agit alors d’un événement significatif de radioprotection (ESR). « L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) nous sollicite quand l’événement est important, comme dans le cas d’un incident survenu en 2018. Mais c’est très rare, précise Serge Dreuil, physicien médical à l’Institut. Nous sommes plus fréquemment sollicités par l’hôpital, qui souhaite avoir une estimation de la dose à l’utérus. »
L’enjeu est d’informer au plus vite la patiente, pour la conseiller sur une éventuelle interruption de grossesse. Selon la Commission internationale de protection radiologique (CIPR), si la dose absorbée est inférieure à 100 mGy, il n’y a pas lieu de mettre un terme à la grossesse. Cette évaluation est néanmoins utile, notamment pour informer le pédiatre qui suivra l’enfant après la naissance. 

L’exposition du fœtus est estimée

L’évaluation de la dose reçue à l’utérus n’est pas systématiquement effectuée par l’Institut. Tout dépend de la taille de l’établissement, de la présence ou non d’un service de radiothérapie ou de médecine nucléaire – donc d’un physicien médical en interne – et de la complexité du calcul. « Les grands hôpitaux ont généralement les compétences en interne et calculent eux-mêmes. Parfois, le physicien médical de l’hôpital nous contacte pour confirmer son estimation. Les petites structures travaillent soit avec une société externe, soit font appel à nous », détaille Serge Dreuil.
Lorsqu’il est sollicité, l’Institut envoie à l’établissement demandeur un formulaire. Celui-ci récapitule tous les paramètres du (ou des) examen(s) : type d’imagerie, indices de doses propres à l’appareil, zone anatomique traitée, nombre de passages effectués, etc.
Le plus souvent, les estimations concernent des scanners abdominaux-pelviens, les plus irradiants pour le fœtus. « Nous intégrons les données dans notre logiciel de première intention. Si après l’application d’une marge de sécurité, la dose calculée ne dépasse pas le seuil de 100 mGy, nous nous arrêtons là. Sinon, nous recourons à une méthode plus complexe. Nous demandons les images de l’examen pour avoir la morphologie précise de la patiente et affiner le calcul. » En deux jours ouvrés, les chargés d’expertise en radioprotection médicale rendent leur estimation. Tout se fait à distance, sauf dans un cas particulier.

Simulation avant radiothérapie

Il arrive parfois qu’une femme enceinte ait besoin d’une radiothérapie3. Une situation délicate à gérer, les doses délivrées étant très au-delà de celles de la radiologie.
« Lors d’une radiothérapie, le rayonnement atteignant l’utérus provient en partie de l’accélérateur lui-même, en partie de sa diffusion dans le corps de la patiente. Si on peut réduire le premier avec un blindage adéquat, on ne peut rien faire contre le second », indique Serge Dreuil.
Pour adapter le traitement quelle que soit la localisation du cancer et protéger l’enfant à naître, une estimation préalable de la dose à l’utérus est nécessaire. Elle est complexe. Les physiciens hospitaliers la réalisent rarement seuls. « Leurs outils sont performants pour calculer la dose reçue par les organes situés dans le champ de traitement ou à proximité. En revanche, ils sont moins adaptés pour calculer la dose à distance, au niveau de l’utérus. » D’où l’intérêt de faire appel à une entité externe, comme l’IRSN. Deux procédures sont alors possibles : simuler par ordinateur – ce qui demande plusieurs jours de calcul avec des machines puissantes – ou agir sur place, à l’aide d’un fantôme4 et de dosimètres.
Face à une situation de ce type, l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris a récemment fait appel à l’Institut pour éclairer sa décision et déterminer la juste dose, pour un risque maîtrisé.

1. Etard C et Aubert B (2009) Radioprotection 44, 479-93 
2. Pour comparaison, un scanner abdomen et pelvis délivre une dose de 20 mGy, un scanner du rachis lombaire, 25 mGy (valeurs indicatives). 
3. Les incidences estimées des cancers du sein, du col utérin et de la maladie de Hodgkin, nécessitant un recours à la radiothérapie pendant la grossesse, sont respectivement de 1/3000 à 1/10 000, 1/1000 à 1/6000 et 1 à 2/10 000 (Mazeron et al. 2016). 
4. Mannequin simulant le corps humain. 


Pour en savoir plus

Fiche d’information  Grossesse et exposition aux rayonnements ionisants www.irsn.fr/Grossesse-RI-patients
Fiche d’information  Estimation de dose utérine pour une patiente enceinte www.irsn.fr/Grossesse-RI-patients

 

 


Article publié en juillet 2020